[**La collaboration CMS vient d’annoncer la première observation de la production conjointe de trois bosons W ou Z dans les collisions proton-proton auprès du Grand Collisionneur de Hadrons (Large Hadron Collider LHC). Ce résultat est basé sur les données collectées pendant la période 2016-2018 à une énergie de collision proton-proton de 13 TeV.*]
Dans le modèle standard de la physique des particules (Standard Model SM) les bosons massifs W et Z sont les médiateurs de la force électro-faible, une des quatre forces fondamentales. Cette force est responsable du phénomène de désintégration radioactive et intervient de manière essentielle dans les processus thermonucléaires au sein du Soleil. Les bosons W et Z ont la propriété de pouvoir interagir entre eux et ainsi de créer plus de bosons W et Z. Cette auto-interaction peut ainsi se manifester par l’observation d’événements résultant d’une unique collision proton-proton contenant deux ou trois bosons.
La création de ce type d’événements d’autant plus rare que la multiplicité de bosons produits est élevée. Si les processus produisant des événements avec deux bosons ont été observés et mesurés avec une bonne précision au LHC, la production de trois bosons massifs dans une seule collision proton-proton est 50 fois plus rare que celui produisant le boson de Higgs, observé en 2012 auprès du LHC. Les bosons W et Z sont très instables et se désintègrent en produisant des leptons (électrons, muons, taus, neutrinos) ou des quarks. Ces derniers se désintègrent à leur tour en formant des "jets" de particules. Toutes ces particules à l’exception des neutrinos peuvent être observées dans les détecteurs de l’expérience CMS, une sorte de caméra comportant plusieurs dizaines de millions de pixels prenant des "photos" au rythme de 40 millions de photos par seconde.
La désintégration d’un boson W ou Z produisant des électrons ou des muons est la plus aisée à repérer dans les "photos" enregistrées. Une collision proton-proton produisant trois bosons W ou Z peut ainsi se manifester par la présence de six électrons ou muons ce type d’événements dits multi-leptons étant hautement improbable au LHC.
Comme indiqué ci-dessus les bosons W et Z ne se désintègrent pas uniquement en électron ou en muon et de ce fait une faible fraction des événements avec trois bosons sont observables dans les modes avec électron ou muon rendant encore plus difficile leur observation.
Par ailleurs d’autres types d’événements produits dans les collisions proton-proton peuvent contrefaire cet état final rendant la tâche de les séparer encore plus ardue. A cette fin l’emploi de techniques issues de l’intelligence artificielle telles que celles d’apprentissage profond sont déployées pour améliorer l’efficacité de détection des électrons ou des muons permettant ainsi de distinguer les événements à trois bosons de ceux plus conventionnels dénommés bruit de fond. L’analyse d’un échantillon d’événements susceptibles de contenir des événements à trois bosons a permis leur observation avec une signification statistique de 5.7 écarts-standards.
Ceci signifie que la probabilité pour que des événements de bruit de fond simulent des événements à trois bosons est seulement de un sur huit millions. Ceci constitue la première observation de la production de trois bosons massifs au LHC avec une signification statistique au-delà de la norme des 5 écarts-standards utilisée en physique des particules.
Le nombre de collisions proton-proton produisant des événements à trois bosons est en bon accord avec les prédictions du SM qui constitue la théorie des interactions entre les particules fondamentales la plus aboutie à ce jour.
L’analyse qui a mené à cette observation a été principalement conduite dans six groupes US et le groupe CMS du Laboratoire Leprince-Ringuet. Au sein du groupe du LLR, Jonas Rembser, étudiant en doctorat, a développé, entre autres, des outils sophistiqués d’analyse inspirés de ceux de l’intelligence artificielle ayant permis substantiellement d’améliorer l’efficacité de détection des électrons dans les événements multi leptons.
Cette première observation est le premier pas vers la confirmation des prédictions du SM au sujet de l’auto-interaction, dit couplage quadri-linéaire, des bosons électro-faibles massifs.
Le chemin vers une compréhension de plus en plus profonde des interactions entre les particules est encore long et passera par l’exploitation future des capacités offertes par l’opération du LHC dans son mode de haute luminosité à l’horizon 2025.
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