La première est l’accès à un domaine d’énergie pour lequel les astronomes sont presque aveugles. Le spectre électromagnétique a été étudié avec beaucoup de détail des ondes radio de basse fréquence jusqu’aux rayons gamma de haute énergie (multi-TeV) mais, si l’on trace la sensitivité de ces observations en fonction de l’énergie du photon, il apparaît un grand trou. Celui ci, le "fossé du MeV", est situé dans la gamme d’énergie entre 0.1 et 100 MeV. Ce fossé est clairement visible, par exemple, dans cette étude du spectre des blazars [1], une classe de noyaux actifs de galaxie qui émettent sur tout le spectre électromagnétique. Si nous pouvions accéder à cette partie du spectre, nous pourrions explorer la formation de trous noirs super-massifs par l’étude des blazars dont le 2ème pic est au MeV [2], d’étudier les sursauts gamma qui présentent un maximum proche du MeV [3] [4], chercher le signe de matière noire légère [5] et étudier un certain nombre de sources astrophysiques importantes comme les pulsars, les restes de supernova, et les systèmes binaires dont cette partie du spectre est encore inexplorée [6].
La seconde fenêtre est la polarimétrie. La plage en énergie sur laquelle des mesures signifiantes ont été effectuées s’arrête au keV, laissant toute la gamme des rayons gamma vierge. Mesurer la fraction de polarisation du rayonnement émis par une source permet de comprendre la structure physique et les caractéristiques de celle ci, informations qui sont difficiles ou parfois impossibles à obtenir. Comme de nombreux objets astrophysiques émettent une grande puissance au MeV (sursauts gamma, blazars, pulsars entre autres), un instrument avec la sensitivité et la capacité d’effectuer une polarimétrie dans cette gamme en énergie nous aiderait à répondre à un certain nombre des questions majeures sur notre univers : Comment les trous noirs super-massifs se forment ils ? Quelle est la classe d’objets qui accélèrent les rayons cosmiques (chargés) jusqu’aux très hautes énergies observées ? L’invariance de Lorentz est elle violée par quelque "nouvelle physique" prédite par des modèles au delà du modèle standard ?
La mesure de la fraction de polarisation et de son angle dans la plage d’énergie qui s’étend du MeV au GeV, pour laquelle la détection du photon a lieu par conversion en une paire électron-positron (e-e+) n’avait jamais été réalisée. Un groupe de chercheurs au Laboratoire Leprince-Ringuet (LLR) a développé un nouveau moyen d’accéder à cette information que ces photons au MeV nous apportent en utilisant une chambre à projection temporelle (TPC), pour mesurer le tout début du parcours de l’électron et du positron dans le détecteur, juste après la conversion du photon, permettant la mesure du vecteur polarisation du rayonnement avant que la diffusion multiple ne dilue l’information.
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